Ah, belle province (à ne pas confondre avec le temple du hot-dog à 99 cennes)! Quelle beauté quand tu vibres hockey en choeur! Heureusement, nos Glorieux sont l’antidote aux grands maux de ce monde, dont la hausse du prix de l’essence, la déprime post-électorale ou pire encore, la surdose de la publicité de Trivago, avec son insupportable zouave en bedaine à l’air béat.
On en parle partout! (du hockey, pas du zouave!) Mona, la caissière aux mèches fuschia de la pharmacie, analyse la numérologie des matchs en emballant les commandes! Si en plus le jeune commis du dépanneur, celui avec des taches de rousseur, s’extasie sur Ginette Reno, la fièvre est vraiment contagieuse!
Les séries éliminatoires, ce sont les Olympiques du gérant d’estrade. Aurevoir l’expert en skeleton qu’on était durant les Jeux de Sochi, on s’auto-proclame spécialiste de l’attaque à 5!! On en rencontre parfois dans l’autobus…
Autobus 45 Papineau, heure de pointe d’un soir de tempête. La neige bloque tout et les autobus peinent à se rendre au métro, malgré les incantations de François, le formidable contrôleur du métro Papineau, qui se met même à genoux en pleine rue. Un autobus arrive enfin. Il est aussi attendu que l’album d’Olivier Dion ou vos vacances d’été (au choix). François nous encourage:
– Mesdames, messieurs! Je vous invite à aller dans le fond et à vous tasser le plus possible pour qu’un maximum de personnes montent dans l’autobus et que tout le monde puisse écouter ses programmes à 8 heures!
Rire général. On obéit.
Comme c’est Unité 9 ce soir, j’ai rarement vu des gens plus heureux de respirer dans le capuchon de castor-mort-de-peur du voisin. L’autobus démarre, plein à craquer. Au coin de Sherbrooke, les vaillants employés, infirmières et résidents de l’Hôpital Notre-Dame vont sauver des vies et apaiser des souffrances, nous laissant ainsi un peu d’air. On repart.
Une voix de femme s’élève, décidée mais sympathiquement autoritaire. Je ne la vois pas, je respire dans le dos d’un jeune homme de 8′ 12" affublé d’une tuque rose à face de singe. (C’est euh… spécial, comme disait Maman Belette devant mes tentatives capillaires, dont ma permanente style «brebis égarée».)
– Boooon! Qui est-ce qui laisse sa place au p’tit monsieur qui est là? Y’est vieux pis y’est ben-ben fatigué, qui lui donne sa place? Quiiii?
Vous monsieur là, vous voudriez pas qu’il tombe sans connaissance sur vous toujours, y sort de l’hôpital!! Ça vous tente? C’est ça j’me disais!
Brouhaha amusé de gens qui se déplacent sans rechigner.
Un peu plus loin, Madame Haut-parleur reprend.
– Boooon! J’ai ici une dame trèèès enceinte au teint vert, qui va écraser d’une meunute à l’autre!
(Qui dit mieux!?)
Qui lui laisse sa place, quiiii? Toi, la jeune, svp?
(Pas de réponse)
HÉ TOI, LA JEUNE AVEC TES ÉCOUTEURS JAUNE ORANGE?!
– Quoooiii, My Godddd!?
– Me semble que ça te tente de laisser ta place à ma p’tite madame enceinte ici, tu serais ben-ben fine!?!
Nouveau brouhaha amusé de gens qui jouent à la chaise musicale. Personne ne se plaint, tout le monde jase. Madame Haut-parleur a agrémenté un trajet pénible tout en aidant des personnes un peu vulnérables. Bravo!
Contrairement à elle qui a osé, un gérant d’estrade ne fait que pelleter des nuages et exposer ses grandes théories, sans rien faire de concret. On ne souhaite pas à Michel Therrien de rencontrer Madame Haut-parleur!
– Boooon! J’ai ici un joueur qui se traîne les pieds, qui lui laisse sa place dans les gradins, quiii?
Go Canadiens go!